Les chocolats de Pâques se préparent et arriveront dans quelques semaines (oui, on ne mangeait plus rien depuis les crêpes de la Chandeleur…). À Bordeaux, jolie ville gastronomique, un nouveau restaurant vient de naître et le concept est pour le moins surprenant, il fait aussi… chocolaterie !
Les Bordelais connaissent bien la rue Saint-Rémi, cette longue allée bordée de restaurants qui descend sur le fleuve et s’ouvre sur la superbe place de la Bourse. En plein cœur du quartier gourmand de Bordeaux, s’est ouvert mi-janvier à deux pas du Café Brun, incontournable bar de la cité, un établissement hybride qui ravira les papilles salées et les becs sucrés. Dans un local immense et somptueux, autrefois habité par des brasseries quelconques, a émergé le restaurant chocolaterie Ganache. Un concept surprenant et alléchant tout droit sorti de l’esprit de Marie et Nicolas Barbé-Salenave, déjà à la tête du Central Pub, situé rive droite, un restaurant cosy à l’ambiance Friends.
Ganache est un projet audacieux qui remonte à cinq ans lorsque Marie, issue du monde du vin, décide de se reconvertir dans le chocolat. Elle fait ses armes à Bordeaux, avec un professeur talentueux Xavier Lalère. En chocolaterie, la ganache est un incontournable et pour Marie, ce terme s’est imposé rapidement.
La légende raconte qu’en 1850, un apprenti pâtissier maladroit a renversé de la crème de lait dans une casserole de chocolat fondu. Pour dissimuler son erreur, il mélangea le tout, mais le chef s’aperçut de la supercherie. Après avoir qualifié son apprenti de ganache, qui signifiait à cette époque, empoté, il goûta le mélange. Séduit, il nomma ironiquement ce mélange ganache.
La ganache a donc double sens, elle est la gourmande préparation chocolatée, mais également la face, la tronche. Pour Marie et Nicolas, l’expression ramène ta ganache, prend alors tout son sens. Le nom est trouvé, reste à dénicher le lieu parfait. À Bordeaux, c’est une mission difficile, mais au 41-43 rue Saint-Rémi, le couple déniche un trésor : un local au plafond très haut, à plusieurs niveaux. Le laboratoire pour l’élaboration du chocolat sera en sous-sol. La chocolaterie aura pignon sur rue avec à ses côtés un restaurant sur deux niveaux.
Le couple Barbé-Salnave fait alors appel à Where is Brian un groupe de designer nantais à qui est donné carte blanche. Le résultat est somptueux et original. Le restaurant avec sa salle de 200 m² est une invitation au voyage, entre décor aérien fait de cages en bois végétalisées et mobilier élégant. Le plafond fait honneur aux fèves de cacao, au sol les textures se mélangent : bois brut, rotin, chaises tressées, banquettes rondes. Des étagères en escaliers peuplées de livres habillent les murs ainsi que des fresques, dont un fameux dodo. Les deux niveaux offrent des alcôves cosy et cocooning, mais aussi de belles tablées. Avec des tons automnaux, l’ambiance se veut douce et enveloppante. Les cuisines et ateliers de pâtisseries sont ouverts sur la salle, ici la transparence est de mise.
Mais la décoration n’est qu’un des atouts de Ganache, la cuisine n’est pas en reste. Avec Stéphan Lopez aux fourneaux et Jonathan Degent à la pâtisserie, la carte est gourmande et à la hauteur du lieu. La carte suit les saisons et l’on y déguste en ce moment l’œuf parfait et sa cuisson à 64 degrés qui ne souffre pas l’erreur, des Saint-Jacques rôties accompagnées d’un risotto à la courge d’hiver et son jus de coquillage et pour les carnivores, un pressé de bœuf confit au vin de Bordeaux accompagné d’une écrasée de pommes de terre. Au dessert, la spécialité de la maison est la tablette : un crémeux de chocolat à 70% relevé de grué, pour les vrais amateurs de cacao.
La carte des vins est riche est réfléchie. Élaborée par Marie et Dimitri Nalin (sommelier entre autres de Joël Robuchon à la Grande Maison), elle contient 140 étiquettes françaises de toutes les régions, dont une sélection de Bordeaux exceptionnelle. Quelques vins du monde sont également proposés.
Si l’on aime les cocktails, l’équipe d’Evgueni saura surprendre : elle revisite les classiques et propose des créations éphémères qui s’associent aux nombreux tapas et autres mets. Le Porn Star Martini est proposé comme le veut la recette originale avec le Prosecco à part, mais avec un demi-fruit de la passion délicatement caramélisé dans la coupe. Le cocktail signature, Orange mécanique, offre une déclinaison de l’orange en tous ses états dans un cocktail doux et sucré.
Pour le déjeuner, Ganache mise sur un rapport qualité-prix qui va remue le quartier : plat du jour à 12 euros, entrées et desserts à 5 euros. En entrées pour cette formule disponible du lundi au vendredi avec deux choix pour chaque plat, comme un velouté crémeux de potimarron avec son crumble de butternut. La texture est d’une douceur réconfortante en cette saison particulièrement froide dans le Sud-Ouest. Un risotto de la mer à la cuisson impeccable est aussi proposé en plat du jour : des coques, palourdes et couteaux se mêlent au riz crémeux, une gamba vient agrémenter le tout. Au dessert, le chocolat est à l’honneur, évidemment : mousse au chocolat au lait pour un retour en enfance ou forêt noire plus forte en cacao et à la chantilly aérienne.
En sortant de l’établissement, on traverse la chocolaterie. Les créations issues des esprits de Marie et de son chef chocolatier Mathieu Depardieu concluront ce voyage gustatif. La chocolaterie propose une collection de 9 pralinés dont un 100% pistache absolument merveilleux, 12 ganaches évidemment, 3 bicouches praliné-ganache ainsi que 4 demi-sphères au caramel surprenant dont un lavande particulièrement audacieux. Le chocolat de couverture utilisé est le même que pour la maison Darricau, référence à Bordeaux en matière de cacao.
Chaque référence porte le nom d’un trait de caractère : le Pacifique est à la noix de coco, l’indépendante au caramel beurre salé et l’exploratrice au thé chai et au lait. Des confiseries comme des guimauves à la purée de fruits ou une pâte de fruits citron basilic raviront les amateurs. Mais c’est un souvenir d’enfance qui fera revenir souvent dans cette nouvelle maison : l’ourson guimauve. Le classique est proposé ici avec un chocolat de couverture d’une finesse infinie et une guimauve aérienne. Un vrai moment de bonheur.
Ganache est destinée à devenir une des cantines incontournables du centre-ville bordelais. La chocolaterie à elle seule mérite le détour et propose une variété de produits d’une qualité et d’une finesse rare. L’offre de midi est une des plus accessibles du quartier et la qualité n’est pas en reste. Ce bistronomique atypique au concept hybride est un lieu pour les fines bouches et les passionnés de chocolat.
Nathalie Zema, 7detable.com
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